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Le pré-deuil : quand la mort s’annonce

Perdre une personne aimée. Savoir que l’on va perdre une personne aimée. Entre un décès subit et celui qui est attendu, il y a de la place pour de multiples émotions. Comment se conjuguent les jours au temps du départ ? Comment vit-on avec l’imminence d’un au revoir qui s’insinue dans chaque instant de la vie ? Le sujet n’est pas facile à aborder. Personne ne veut penser à la mort de personnes aimées. Même si elles sont en fin de vie ; âgées ou gravement malades. C’est quelque chose dont on ne veut pas parler. Parce que ça fait mal, parce que ça fait peur : «Même si la mort fait partie de la vie, le sujet reste tabou dans nos sociétés et il est difficile de trouver un espace pour en parler, pour comprendre le processus de deuil, pour partager ce que nous vivons», explique Amélie V. Audibert Mindset Coach et Certified Grief Educator.

C’est elle qui nous guidera autour de la thématique du pré-deuil (voir ci-dessous). Elle évolue au sein de la Maison des Étoiles, qu’elle a fondée avec Brigitte Koenig depuis avril 2022. Cette association s’est donné pour mission «de rendre visible et compréhensible le processus de deuil au sein de la communauté mauricienne et rodriguaise, afin de briser les tabous, de mieux consoler, de permettre un espace de parole et de soutien». Les deux femmes travaillent en collaboration avec Cynthia Payendee et Orane Fabien ainsi qu’avec une communauté d’accompagnateurs. Des rencontres sont organisées régulièrement et il est possible de rejoindre des groupes de soutien. Pour en savoir plus, connectez-vous à la page Facebook suivante : https://bit.ly/maisondesetoiles. Ou envoyez un message à ce numéro : 5835 6880.

Vivre un deuil est une épreuve de force en soi. Mais est-il possible de s’y préparer lorsque la mort est annoncée ? Éléments de réflexion ici…

L’idée d’un possible deuil, comment y faire face. «Il ne faut pas oublier que la personne en fin de vie est elle-même parfois en train de faire le deuil de la personne qu’elle était, de ce qu’elle a vécu et qu’elle se prépare à se séparer des personnes aimées. Cela peut engendrer chez elle une tonne d’émotions difficiles à gérer pour tout le monde. Parfois, la personne en fin de vie a besoin de savoir que ses proches sont prêts à la séparation pour pouvoir partir en paix. Il est donc important d’envisager une prise en charge émotionnelle et spirituelle mais aussi de s’assurer d’un bien-être physique pour tous. À titre d’exemple, chercher à vous entourer, parler à quelqu’un qui vous écoute sans jugement, passer du temps de qualité en famille et autour de la personne en fin de vie, tout en prenant soin de vous-même. Cela implique de se défaire du sentiment de culpabilité qui peut nous habiter, de lâcher prise sur ce que l’on ne peut pas contrôler, de demander de l’aide, de se ressourcer et se reposer, pour pouvoir offrir un meilleur soutien à l’autre. Écrire pour ne pas oublier, se créer des souvenirs, se remémorer les bons moments, se pardonner, se raconter l’histoire que l’on a vécue ensemble et se dire que l’on s’aime permet de garder la vie et l’amour présents jusqu’à la fin et de mieux appréhender les moments difficiles à venir.»

Anticiper, oui. Se préparer, pas forcément. «La douleur de la séparation est tellement forte que même si l’on se doute bien que notre proche très malade ou âgé/e est en fin de vie, c’est une réalité que parfois nous n’avons pas envie de voir. On s’accroche à la vie et la mort nous prend toujours par surprise, ce qui fait que l’on n’est jamais vraiment préparés, même si on l’a anticipée. Il arrive que les familles pensent que de parler de la mort va accélérer celle de leur proche, alors ces conversations sont souvent taboues. Ce sujet délicat et inconfortable, de par les émotions qu’il provoque, fait que les familles sont bien tentées d’éviter le sujet, entre elles, mais aussi avec la personne malade. Par contre, se préparer et en parler ouvertement peut apporter de la sérénité et du confort entre celui/celle qui est malade et sa famille. Mais permet aussi de se préparer à ce que réserve l’avenir, à exprimer nos sentiments et même à nous faire pardonner des erreurs passées.»

Être à l’écoute de ce qu’on ressent. «Le deuil anticipé est fréquent chez les proches de personnes atteintes d’Alzheimer, de cancer ou d’une autre maladie incurable ou dégénérative. Au fur et à mesure de l’évolution de la situation, nous pouvons vivre des deuils liés à tout ce que la maladie va emporter avec elle, comme les projets qui ne se réaliseront pas, une présence différente au quotidien ou des activités que l’on ne peut plus faire. Les émotions qui vont nous habiter alors sont les mêmes que celles que l’on vit suite à un décès : choc, déni, tristesse, colère, regrets, sentiments de culpabilité, dépression. À cela vient s’ajouter une grande fatigue et aussi un sentiment de peur et d’angoisse vis-à-vis de l’échéance qui se rapproche ainsi que du futur. Se préparer à quelque chose d’aussi dur nous demande d’être à l’écoute de ce que l’on ressent et de ce que l’on vit au moment présent, sans fuir ni tout refouler au fond de nous, prétendant que tout va bien aller.»

«Limiter les dégâts» du deuil ? Prendre le temps, plutôt. «Le deuil anticipé présente plusieurs aspects inexistants dans un deuil classique et qu’il convient de prendre conscience. Par exemple, c’est normal de s’inquiéter pour la personne en fin de vie mais on peut aussi visualiser ce qui se passera après le décès et éventuellement s’organiser à vivre différemment au quotidien. C’est également possible de se préparer à finir quelque chose que l’on a commencé avec la personne qu’on aime et profiter du temps qu’il nous reste avec son/sa proche en fin de vie. Ne reniez pas vos sentiments, votre chagrin et vos peurs car ils sont justifiés dans une telle situation.»

Publié dans l’hebdomadaire 5-Plus dimanche du 26 Février 2023

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