Prendre Rendez-Vous

Le deuil en milieu professionnel : la mort, le boulot et vous

Votre monde s’est arrêté. Avec ce départ, tout s’est écroulé. La mort de cette personne aimée a secoué les fondements même de votre vie et vous devez faire face aux émotions qu’amène le deuil. Et la reconstruction prendra son temps, apprendre à vivre sans lui.elle est une refonte de ce que vous êtes qui n’est pas aisée. Mais, comme vous le savez, la vie, avec ses défis, ses responsabilités (et ses joies aussi, bien sûr !) continuent. Et parmi cette immuabilité, il y a la nécessité de travailler. Il n’est pas possible de s’enfermer le temps d’aller mieux. De se couper du monde et de ses impératifs.

Nous évoquerons, ici, le deuil dans le milieu professionnel avec Amélie V. Audibert, Mindset Coach et Certified Grief Educator de la Maison des Étoiles (voir hors-texte). Plusieurs aspects seront abordés : comment les entreprises peuvent être plus empathiques face au deuil d’un.e employé.e, comment faire pour vivre la mort d’un.e collègue et de quelle manière aborder le lieu de travail après la mort d’un.e collègue en son sein. «Il existe un grand paradigme concernant le deuil en milieu professionnel : les collaborateurs doivent laisser leurs problèmes personnels à la maison et être au mieux de leur performance au travail, alors que la perte d’un proche est un événement extrêmement important dans la vie d’une personne. Parfois traumatisante, elle transforme toujours», explicite la coach.

La considération du deuil d’un.e employé.e dans le milieu professionnel

- Mention : peut mieux faire.  «À Maurice, la considération du deuil d’un.e employé.e dans le milieu professionnel varie. Bien que certains employeurs fassent preuve de compassion en offrant un soutien lors de ces moments difficiles, il existe encore des lacunes. Il est essentiel que les entreprises montrent une sensibilité accrue envers les employé.e.s endeuillé.e.s, en offrant des congés appropriés et en encourageant un environnement de travail compréhensif. Comprendre et reconnaître la douleur du deuil et fournir un appui peut aider les employé.e.s à traverser cette période avec moins de stress. De plus, une approche empathique envers le deuil contribue à créer un milieu de travail plus humain et solidaire.»

- Pour des entreprises plus empathiques. «Pour favoriser plus d’empathie au sein des entreprises, il serait souhaitable que les employeurs puissent offrir au leadership team (HR, managers) des formations appropriées à la gestion de crise, notamment au processus de deuil. Encourager une communication ouverte, offrir un soutien psychologique, permettre la flexibilité des horaires de travail pour faciliter les démarches administratives sans avoir à prendre des congés additionnels sont des moyens pour les employeurs de démontrer un soutien au drame que peut vivre un.e employé.e en deuil. Par ailleurs, lorsque c’est un.e collègue qui décède, il est important de prévoir des espaces de parole pour l’équipe et d’encourager la célébration de la mémoire de la personne décédée. Ces mesures créeraient un environnement de travail où la compassion est valorisée, aidant les employés.es en deuil à se sentir soutenus.es et compris.es pendant cette période difficile.»

Tendre la main à un.e collègue qui vit un deuil

- Être présent.e. «Il est tellement plus facile de célébrer un mariage ou la naissance d’un enfant que de gérer les émotions liées au deuil, et pourtant la nouvelle est tombée ; votre collègue vient d’apprendre qu’un.e proche est décédé.e vous êtes peut-être la première personne à qui il.elle l’annonce. Quoi dire ? Quoi faire ? Prendre une bonne respiration, présenter ses condoléances et demander ce que vous pouvez faire pour aider dans le moment présent ou plus tard. Être présent tout simplement. Organisez un transport pour déposer votre collègue chez lui.elle. Apportez un verre d’eau, même en silence. Vous avez les ressources en vous pour juste être là. N’oubliez pas, votre collaborateur.trice est sous le choc, même si le départ était attendu, on n’y est jamais préparé.»

- Oublier la phrase parfaite. «Être présent.e est bien mieux que de dire la phrase "parfaite" de consolation, qui ne le sera probablement pas. Démuni.e devant la situation, et parce qu’il "faut" dire quelque chose nous mettons plus les pieds dans le plat qu’autre chose ! Ce n’est pas le moment de voir le positif. Évitez à tout pris les "chaque chose arrive pour une raison", "au moins il.elle ne souffre plus", "au moins il.elle a bien vécu". Au lieu d’aider, on crée de la distance. Et surtout, surtout, bannir le "je sais ce que tu ressens" ; il ne s’agit pas de vous. Et en ce faisant, vous minimisez la gravité de la situation que vit votre collaborateur.trice.»

- Le travail, oui mais...…«Attention, lui dire de ne pas se préoccuper du travail n’est pas forcément la chose à faire, sauf si il.elle aborde le sujet, dans ce cas, c’est important de rassurer que l’équipe va pouvoir gérer. C’est plus ce que l’on fait que ce que l’on dit qui donne au.à la collaborateur.trice le sentiment d’être soutenu.e et en sécurité dans son travail, alors que son univers vient peut-être de s’effondrer. L’équipe au sein de l’entreprise peut également ressentir un impact et un déséquilibre. En parler et trouver des solutions ensemble reste essentiel. Proposer aux employés.es concernés.es de l’écoute individuelle auprès de la Maison des Étoiles, c’est leur offrir un espace neutre, bienveillant, sans jugement où ils.elles peuvent déposer, s’exprimer, soulager la charge émotionnelle présente à ce moment.»

- Prendre en considération que le deuil est un long processus. «Nous pensons à tort qu’après quelques jours, voire quelques mois, vous retrouverez votre collègue "d’avant", et qu’il.elle va pouvoir "move on" et se ressaisir. C’est sous-estimer l’impact du deuil. N’oubliez pas que votre collaborateur.trice subit cette perte, indépendante de sa volonté et il.elle ne peut être marginalisé.e car ayant vécu un drame. Il n’y a pas de limite au deuil, pas de temps imparti pour "faire son deuil", restez vigilant.e car c’est peut être après plus de six mois, voire un an, que votre collaborateur.trice aura davantage besoin de soutien. Perdre un proche traumatise, vivre un deuil transforme.»

La mort d’un.e collègue : comment faire face

- Un choc.  «Perdre un.e collègue choque profondément. Bien que la relation ne soit pas familiale, les liens formés au travail sont aussi significatifs et il est important de ne pas minimiser les émotions et le deuil des collaborateurs.trices qui peuvent varier d’une personne à une autre. Le soutien des collègues, en équipe, est précieux dans ces moments. Ensemble, nous créons une sorte de famille au travail, partageant des expériences et des défis. La compassion que nous offrons les uns aux autres transcende les relations familiales, créant un espace où l’entraide permet de surmonter collectivement la peine. D’où l’importance de créer un environnement compréhensif et attentionné en milieu professionnel.»

- Le chagrin même si on ne fait pas partie de la famille/même si on n’était pas proche. «Ressentir le chagrin est humain. Même si la personne n’était pas proche, nos cœurs s’ouvrent à l’empathie. Chaque vie compte, et chaque perte touche. Autorisons-nous à vivre ce chagrin avec douceur et amour. Cela montre notre humanité et notre sensibilité envers les autres. Même de petites connexions laissent des empreintes. De plus, il est important de ne pas juger la manière dont chacun vit le deuil d’une personne qui n’était pas forcément très proche. En effet, il se peut que cette perte qui peut sembler anodine et pas très grave, le soit beaucoup plus pour vous ou encore qu’elle réveille des deuils et des blessures anciennes. Chacun vient avec son bagage et ses propres expériences passées, qui peuvent être réveillées à tout moment.»

Un accident de travail, une personne décède : comment continuer ?

- Faire face à un évènement traumatique. «Un accident du travail est un événement dramatique qui traumatise et qui peut ébranler la confiance de l’employé envers son entreprise, son lieu de travail, son équipe. Il faudra attendre des réponses des suites d’une enquête et où il faudra situer les responsabilités, cela prend du temps et laisse le champ libre à toutes les suppositions et les commentaires divers et variés. Ne pas ignorer l’accident et proposer un espace pour libérer la parole est primordial. C’est tellement difficile d’accepter l’inacceptable que la colère va prendre le dessus, au-delà du choc et du déni.  Une communication ouverte et honnête sur le deuil permet aux membres d’une équipe de se comprendre mutuellement et de développer une plus grande empathie les uns envers les autres, de diminuer la charge émotionnelle et de voire que nous ne sommes pas les seuls à avoir des craintes. Cela renforce la cohésion de l’équipe et favorise un environnement de travail plus solidaire et collaboratif.»

Prendre soin de soi

- Si vous avez perdu un collègue/ une personne aimée, take care. «Pour mieux vivre vos émotions, les reconnaitre et les comprendre sont utiles. Troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, fatigue intense, stress lié aux démarches administratives et aux insécurités qui peuvent émerger, vague de tristesse qui peut nous submerger et remise en question, notre corps subit directement l’impact de la perte d’un proche et cela pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Prendre soin de soin à travers des activités apaisantes, activités thérapeutiques ou en nature.  Aller à la rencontre d’autre personnes qui vivent la même situation et là nous parlons par exemples des rencontres A Nou Zwenn de La Maison des Etoiles. Surtout soyez patient.e avec vous-même.  Ressentir le chagrin témoigne de votre humanité et de votre capacité à vous connecter émotionnellement, si cela ne va toujours pas après quelque temps, vous pouvez vous tourner vers un professionnel pour chercher l’aide. Le deuil isole, il est important de ne pas rester seul dans son chagrin.»

Publié dans l’hebdomadaire 5-Plus dimanche du 27 Août 2023

Lire plus sur https://www.5plus.mu/

Découvrez notre actualité

Tout voir

Besoin d'aide pour surmonter votre deuil ?

Contactez nous et nous reviendrons vers vous.
Prendre Rendez-Vous