Prendre Rendez-Vous

Comment parler de la mort à mon enfant

Il peut surgir de lui-même. Le sujet, bien sûr. Au détour d’une conversation, votre enfant vous demande : mais c’est quoi la mort ? Il/elle vous interroge sur votre mort ou la sienne ? Ou alors, parler du départ d’une personne aimée s’impose à vous à la suite d’un décès dans la famille. Comment s’y prendre ? Comment trouver les mots ? Safia Adamjee, psychologue clinicienne, membre de la Société des Professionnels en Psychologie qui œuvre auprès de la Maison des Étoiles, vous donne des pistes…

Pour mieux cerner

Il y a l’âge pour comprendre. «La compréhension de la mort et l’idée de la mort varient d’un enfant à l’autre, il n’y a pas d’âge précis à partir duquel un enfant comprend pleinement la mort d’un proche ou l’idée de la mort. Il est important de noter que les estimations qui suivent sont générales et que chaque enfant est unique. Certains enfants sont exposés à des situations de perte et de deuil très jeunes comparé à d’autres. Lorsqu’un enfant est confronté à la mort d’un proche, il est essentiel de lui offrir un soutien ainsi qu’un encadrement adapté à son âge et à sa compréhension. 

- De 1 an à 3 ans, les enfants ont généralement une compréhension limitée de la mort. Ils peuvent percevoir la mort comme une forme de sommeil ou de disparition temporaire. Ils peuvent également réagir aux émotions des adultes autour d’eux.

- Entre 4 à 5 ans, les enfants ont une compréhension plus concrète de la mort. Ils peuvent «comprendre» que la mort signifie la fin de vie. Cependant, ils peuvent avoir du mal à saisir la notion de la mort en tant que concept universel et inévitable. Entre 6 et 8 ans, les enfants ont une conception plus abstraite de la mort. Ils peuvent commencer à poser des questions sur la mort et exprimer des sentiments de tristesse ou de peur liés à la mort de leur proche.

- À partir de 9 ans et plus, les enfants développent une compréhension plus complète de la mort, y compris la réalisation de leur propre mortalité. Ils peuvent être plus aptes à réfléchir à la signification de la vie et de la mort, ainsi qu’à exprimer des émotions complexes liées à la perte d’un proche.»

Un deuil différent de celui d’un adulte. «Les enfants ont une compréhension plus limitée de la mort par rapport aux adultes. Ils peuvent avoir du mal à comprendre que la mort est permanente et irréversible. Certains enfants ont des difficultés à exprimer leurs émotions liées au décès. Ils peuvent ne pas être en mesure d’identifier et de nommer leurs sentiments de manière claire. Bien que les adultes aient besoin de soutien, les enfants ont parfois besoin de soutien supplémentaire et de guidance pour traverser le processus de deuil. Ils peuvent avoir besoin d’explications répétées sur la mort ou les circonstances du décès ou peuvent avoir besoin d’être souvent rassurés/es sur leur sécurité. Dans certains cas, le deuil peut avoir un impact sur le développement de l’enfant. Il peut affecter les relations sociales, leurs performances scolaires ou leur comportement en général. Il est important de reconnaître et de respecter les différences dans le processus de deuil des enfants par rapport aux adultes. Offrir un environnement sûr, permettre l’expression émotionnelle et fournir un soutien adapté à leur âge et à leur niveau de compréhension peuvent aider les enfants à traverser leur deuil de manière saine et constructive.»

Pour que la mort/les morts ne fassent pas peur. «Il est normal que la notion de la mort puisse susciter de la frayeur ou de l’anxiété chez les enfants. Il s’agit quand même d’un concept complexe et abstrait. Il est important d’utiliser des termes appropriés à leur âge : choisissez des mots simples et adaptés à leur niveau de compréhension. Évitez d’utiliser des euphémismes ou des expressions confuses qui pourraient créer de la confusion ou de l’angoisse (elle dort, il est parti, il est en voyage, il s’est éteint…). Soyez honnêtes et répondez aux questions des enfants de manière simple et vraie. Évitez de donner trop de détails mais assurez-vous de fournir suffisamment d’informations pour répondre à leurs interrogations. Les émotions sont normales et il est normal de ressentir de la tristesse ou de la peur face à la perte d’un proche. Rassurez-les en montrant que malgré le chagrin et la perte, ils sont en sécurité. Les rituels jouent un grand rôle dans le chemin de deuil, ils permettent d’honorer la mémoire d’un proche décédé. Chaque famille a des perspectives différentes sur la mort, la vie après la mort ou les rituels funéraires. Inclure les enfants à ses croyances aide à normaliser et rendre le sujet de la mort plus familier.»

Pour les petits

Comprendre la mort en trois petites questions ; ce n’est pas simple. Mais ça peut te permettre d’en savoir un peu plus…

- Un trois-questions inspirés des articles de Pomme d’Api

(https://bit.ly/pomdapimort) et de Clépsy (https://bit.ly/clepsymort). Les explications entre guillemets sont de Claire Pinet, psychologue spécialisée dans le deuil et les soins palliatifs, qui intervient dans le texte du magazine Pomme d’Api.

C’est quoi la mort ?

C’est quand le corps ne fonctionne plus, que le cœur ne fait plus boum-boum. La personne morte ne peut plus marcher, parler ou faire de câlins et c’est pour toujours.

- «Tu aimes beaucoup ton grand-père, tu es triste qu’il soit mort. Tu vois que les adultes sont tristes : ça donne du chagrin de se séparer de quelqu’un qu’on aime.»

- «Protéger l’enfant en retenant ses larmes, c’est une aberration : chacun se mure dans un deuil qui ne s’exprime pas, qui ne se partage pas, donc ne se fait pas.»

- «La seule chose qui peut faire du mal à un enfant, c’est de ne pas lui parler ou de lui parler faux.»

Il est comment le corps d’un mort ?

Le corps d’un mort ne bouge pas, ne respire pas. Le visage est pâle et tranquille, il est froid.…

- «Nous sommes nombreux à hésiter à laisser un enfant assister à des funérailles. Pourtant, la cérémonie, qui marque la séparation effective entre les vivants et les morts, joue un rôle essentiel dans l’entrée dans le deuil : elle permet de constater que la mort n’est pas abstraite, imaginaire. On peut aussi proposer (mais pas imposer) à l’enfant de voir le corps du défunt pour lui dire au revoir. Il faut prendre soin de décrire la scène au préalable.»

On va où quand on est mort ?

On ne le sait pas vraiment. Chaque personne croit en quelque chose. Ce qui est sûr, c’est que même quand on est séparé par la mort, on peut encore s’aimer très fort.

- «Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas qu’on ne doit pas parler», «Moi, je pense que…toi, petit à petit, tu te feras ta propre idée.»

Dans la pratique

Comment l’annoncer. «L’annonce de la mort est une tâche délicate. Choisir le moment approprié est important. Trouvez un moment calme et tranquille pour avoir cette conversation. Évitez les moments de stress ou de perturbation. Assurez-vous de disposer de suffisamment de temps pour répondre aux questions et offrir un soutien émotionnel. Utilisez des mots simples et compréhensibles pour annoncer la mort. Évitez les euphémismes et soyez direct sans être brutal. Soyez honnête et répondez aux questions de l’enfant de manière courte et sincères. Exprimez vos propres émotions en tant qu’adulte, montrez à l’enfant que vous êtes triste et que vous comprenez sa tristesse. Il est important de leur permettre de voir et de comprendre que les émotions liées à la mort sont normales et qu’il est normal de pleurer ou de se sentir triste. La réassurance est primordiale. L’enfant doit avoir le sentiment de pouvoir s’exprimer et partager les souvenirs de la personne décédée. Chaque enfant est unique et il est important de s’adapter à son niveau de développement, à sa personnalité et à ses besoins spécifiques.»

Comment mieux accompagner le/la petit/e. «Le fait d’être présent et disponible pour l’enfant est un moyen de le/la rassurer en partageant des moments de qualité. Il est important de faire usage de patience et de compréhension. Le processus de deuil est différent pour chaque enfant et cela peut prendre du temps pour qu’il puisse assimiler et accepter la perte. Encouragez les rituels et les souvenirs, proposez à l’enfant de participer à des rituels ou des activités commémoratives en l’honneur de la personne décédée, si cela est approprié et conforme aux traditions de votre famille. Cherchez un soutien supplémentaire si nécessaire. En tant qu’adulte accompagnant/e, prenez également soin de vous durant cette période. Chaque enfant est unique et aura des besoins spécifiques lorsqu’il/elle fait face au deuil. C’est alors que la phrase « it takes a village» prend tout son sens.»

Comment parler de ce départ et de la suite (paradis, réincarnation ou autres) que nous ne comprenons pas, adultes. «Il est important de reconnaître que nous adultes ne comprenons pas toujours pleinement la nature de la mort ou de ce qui se passe après. Nous nous devons être honnêtes sur nos propres limites. Vous pouvez expliquer aux enfants que la mort est quelque chose de mystérieux et que personne ne sait avec certitude ce qui se passe après. Respectez les croyances familiales, religieuses ou autres. Différentes cultures et religions ont des croyances différentes sur le sujet, si votre famille a des croyances spécifiques sur la mort, vous pouvez les partager avec l’enfant. Soulignez que ces croyances peuvent varier d’une personne a l’autre et que chacun est libre de croire en ce qui lui semble juste. Écoutez attentivement les interrogations de l’enfant et répondez-y de manière ouverte et bienveillante. Si vous ne connaissez pas la réponse, dites-lui que c’est une excellente question et que vous pourrez chercher ensemble des réponses ou discuter de différentes perspectives.»

Les gestes et les rituels pour avancer. «La mise en place de gestes et de rituels peut être bénéfique pour aider un enfant à vivre son deuil. Les rituels offrent une structure et un moyen symbolique de se souvenir de la personne décédée, d’exprimer ses émotions et de faciliter le processus de guérison. Par exemple, vous pouvez créer un espace de souvenir, vous pouvez aider l’enfant à créer un espace spécial où il peut placer des photos, des objets ou des souvenirs qui lui rappellent la personne décédée. Allumer une bougie commémorative peut être un geste symbolique qui peut aider l’enfant quand il ressent le besoin de se connecter avec cette personne. Écrire des lettres ou des dessins pour exprimer ses sentiments envers la personne décédée. Cela peut être une façon de partager ses pensées, ses souvenirs ou tout ce qu’il souhaite dire à la personne. Planter un arbre en mémoire de la personne décédée. Ce geste peut symboliser la croissance, la vie et le souvenir de la personne aimée. Impliquez les enfants dans les activités commémoratives spéciales, telles que des cérémonies familiales, des services religieux ou des évènements organisés pour honorer la personne décédée. Cela peut permettre à l’enfant de se sentir inclus et de partager des moments de qualité avec sa famille.»

Le cimetière : avec les enfants ou pas. «La décision d’emmener ou pas un enfant au cimetière dépend de plusieurs facteurs, notamment de la décision des parents. Il n’y a pas de réponse unique qui convient à tous les enfants ou à toutes les situations. Comme mentionné précédemment, il est important de considérer l’âge et la maturité de l’enfant. Les plus jeunes enfants peuvent avoir plus de difficultés à comprendre et à gérer la réalité de la mort. Ils peuvent également être plus sensibles aux émotions et aux atmosphères du cimetière.

Si vous décidez d’emmener un enfant au cimetière, assurez-vous de le préparer a ce qu’il va voir et vivre. Expliquez-lui a quoi s’attendre, répondez à ses questions et offrez-lui un soutien émotionnel tout au long de la visite.  Il n’y a pas de réponse universelle. Chaque enfant est différent, chaque deuil est singulier. Les parents pourraient prendre une décision basée sur les besoins de leur enfant, de la compréhension de l’enfant et de la culture familiale. Il est important de communiquer ouvertement avec l’enfant et de respecter ses limites.»

Publié dans l’hebdomadaire 5-Plus dimanche du 9 Juillet 2023

Lire plus sur https://www.5plus.mu/

Découvrez notre actualité

Tout voir

Besoin d'aide pour surmonter votre deuil ?

Contactez nous et nous reviendrons vers vous.
Prendre Rendez-Vous